Sur ordre de la défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, le juge-président Cuno Tarfusser a demandé, hier à Me Fabién Raimondo d’aller hors du prétoire pour ne pas assister aux débats. Tout sur cette folle journée au cours de laquelle défense et avocat de sont livré à de chaudes empoignades en présence du juge-président qui avait du mal à recentrer le débat.
Juge président : Bonjour à tous. Bonjour Me Raimondo. Je crois que c’est votre première fois au prétoire. Avant de donner la parole à la défense de M. Blé Goudé, qui nous a signalé qu’elle souhaitait prendre la parole, j’ai un point urgent à traiter. C’est une question qui porte sur le témoin à venir. Il s’agit de deux écritures. Demande de prorogation de délai, en application de la règle 35 déposée le 24 février de cette année ainsi que le 03 mars. Alors en ce qui concerne la première demande du 24 février, nous avons reçu les écritures de la défense de M. Gbagbo. Mais nous n’avons pas encore reçu quoi que ce soit de la défense de M. Blé Goudé. Et puis, il nous manque les réponses des équipes de la défense à la deuxième requête déposée le 03 mars. C’est urgent ! J’aimerais que d’ici la fin de cette journée, que la Chambre ait reçu des réponses. Disons qu’à 15h45 on arrêtera l’interrogatoire, pour entendre vos arguments sur ces deux écritures, au point d’obtenir une prorogation du délai en application de la règle 35. Demande faite par le bureau du procureur. Et vous M. Mc Donald, qu’avez-vous à dire ?
Mac Donald : Bonjour à tous. Je tiens juste à dire que nous avons l’intention d’envoyer la décision prise, dans l’affaire N’taganda, portant sur le traitement de ce type de demande, et l’approche adoptée par la Chambre N’taganda dans cette affaire. Je devrais avoir ce document dans les minutes qui viennent. Je le joindrais aux écritures par le biais d’un courriel. Je souhaite, par oral, modifier un tout petit peu mes arguments, pour rien que ces décisions. J’aimerais bien que mes contradicteurs sachent que cette décision sera jointe à notre requête.
Juge Président : Merci. Nous en prenons bonne note. Je demande aux équipes de la défense de présenter, par oral, leurs réponses à ces deux demandes ; parce qu’au plus tard il faut que nous prenions une décision demain. Pour que la décision ait un sens. Je donne maintenant la parole à Me Knoops. En effet, il souhaite nous parler de quelque chose. Mais je ne sais pas de quoi.
Me Knoops: En effet, nous aimerions vous parler rapidement des questions dont nous avons appris l’existence, vendredi après-midi à 16h45, portant sur la position du soit disant conseil du témoin qui doit venir. Et nous souhaitons que Me Raimondo ne soit pas en prétoire, afin que nous puissions présenter nos arguments. En effet, s’il entend nos arguments, cela pourrait modifier sa position. Et cela pourrait modifier les questions que nous avons à propos de sa position justement. Donc la première requête que la défense de M. Blé Goudé fait auprès de la chambre, c’est une demande aux fins que Me Raimondo soit écarté de la discussion. Peut-être plus tard pourra-t-il revenir et entendre ce qui est dit. Mais pour l’instant, nous considérons que nous devons parler à la chambre de la façon dont nous souhaitons traiter ce témoin et son soit disant conseil hors de la présence de la chambre.
Juge président : Ecoutez, je ne sais pas où vous voulez en venir. Me Raimondo, je ne voudrais pas être impoli envers vous. Je ne voudrais pas avoir à vous demander de quitter le prétoire. Mais, cela dit, il faut que je le fasse. Donc, s’il vous plaît, je suis désolé, il faut quitter le prétoire ! Nous verrons ensuite comment les choses tournent.
Me Knoops : Ecoutez, ce n’est pas une question de politesse. Je ne pense pas que Me Raimondo le perçoive ainsi. C’est normal. C’est ainsi que cette procédure doit se dérouler.
Vous savez sans doute que vendredi après-midi, à 16h45, les juges de la chambre, ainsi que les équipes de la défense, ont reçu un e-mail officiel de l’accusation déclarant que le conseil attribué au témoin P11 Me Fabien Raimondo avait été engagé en 2012 pour servir de conseil indépendant auprès du bureau du procureur en l’affaire qui nous intéresse ici. Donc, ce n’était pas un conseil du bureau du procureur. C’est bien pire que ça. Il était conseil en l’affaire Gbagbo et Blé Goudé pour l’accusation. Et, pour que l’argument soit encore plus pertinent, sachez que ce conseil qui doit assister P11 pourrait aussi assister P10. Or P10 et P11, je ne vais pas utiliser les mots de Me Altit pour dire que ce sont des témoins importants pour la thèse de l’accusation. Moi, je dirais que ce sont des témoins pertinents. Je sais que le mot important a de nombreuses acceptions. Donc, c’est pour ça que je ne l’emploie pas. Mais ce sont quand même deux témoins assez pertinents en ce qui concerne la thèse de l’accusation, et malgré les explications de l’accusation développées dans son courriel selon lesquelles les faits de l’affaire n’ont jamais été abordés avec Me Raimondo, même dans le cadre de l’exécution du mandat qui lui a été donné. Il y a quand même, à notre avis, un conflit d’intérêt, en tout cas potentiel. Etant la pertinence de P11 et P10, pour la thèse de l’accusation, même le semblant d’un conflit d’intérêt devrait être écarté. Comme l’a dit l’accusation dans son courriel, on ne sait pas exactement quelle a été la durée du mandat de Me Raimondo. Ça commencé en décembre 2012, mais on ne sait pas quand est-ce que ça s’est arrêté. Il s’emblait qu’il avait été engagé pour vérifier des éléments qui pourraient être privilégiés qui étaient sur un portable confisqué par l’accusation auprès du témoin P69 qui d’ailleurs a été retiré de la liste des témoins entre temps. Mais la chambre préliminaire 1, en janvier 2013, a rendu une décision basée sur l’évaluation faite par Me Raimondo, qui a considéré que ce sont des documents dits être censés confidentiels.
La chambre a rejeté ce conseil et a considéré finalement que ces documents n’étaient pas confidentiels. Pour être bref, Me Raimondo a dû savoir si les documents étaient pertinents ou pas. Il a bien sûr dû quand même entrer dans les faits de l’espèce. Au moins certains. Sinon il n’aurait jamais pu être en mesure de faire une évaluation quelconque. Surtout une évaluation intelligente à propos de la nature éventuellement confidentielle des documents confisqués sur le portable du témoin P69. Certes, l’accusation n’a peut-être pas ouvertement discuté du fond de l’affaire avec Me Raimondo. Il n’empêche, il a joué un rôle très important auprès de l’équipe de l’accusation. Il leur a conseillé certaines choses à propos de certains documents éventuellement pertinents. De ce fait, ni l’accusation ni la chambre ni même la défense ne peut exclure la possibilité que ce conseil pourrait avoir une idée biaisée dès le départ, que les conseils qu’il va donner, concernant la règle 74, pourraient très bien influencer le témoin. Lorsque le témoin lui demandera quelque chose sur ce point. Psychologiquement, rien qu’en donnant des conseils au témoin, ce conseil pourrait très bien l’influencer ; parce que même dans son subconscient il a quand même appris certaines choses, lorsqu’il travaillait en tant que conseil indépendant pour le bureau du procureur. De plus, ce témoin, dit Me Knoops, sera aussi le conseil de P10, après avoir été celui de P11. Nous demandons donc à la chambre, tout d’abord, de se pencher sur l’éventuelle possibilité d’un conflit d’intérêt, ou au moins du semblant d’un conflit d’intérêt. Parce c’est quand même une règle de base du droit. Quand il y a conflit d’intérêt, il faut se retirer. Surtout pour ce type de témoin. Car, cela pourrait avoir un impact sur l’équité de cette procédure et sur la mission de la chambre qui est de rechercher la vérité. Nous considérons donc qu’on ne peut pas prendre au pied de la lettre les assertions de l’accusation comme quoi il n’y a pas besoin de considérer que ce témoin serait en conflit d’intérêt lorsqu’il représenterait P11 ou P10.
Dans la règle 74, on a beaucoup débattu de ça ici. Vous avez bien vu que le rôle du conseil ne peut pas être sous estimé. On a eu de nombreux témoins ici qui étaient assistés par un conseil, en application de la règle 74. On a bien vu ce qui se passait. Donc il faudrait bien être sûr qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt lorsque le conseil assiste les témoins. Surtout en ce qui concerne les témoins P10 et P11. On a eu de nombreux témoins ici qui étaient assisté par un conseil en application de la règle 74 et on a bien vu ce qui se passait. Donc il faut bien être sûr qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt lorsque les conseils assistent les témoins en ce qui concernent les témoins P.10 et P.11. Ensuite, nous n’avons pas eu accès aux documents qui motive la décision de la chambre préliminaire pourtant sur l’évaluation des 17 documents identifiés par ce conseil au départ comme étant confidentiels, potentiellement. Nous n’aurons pas d’informations non plus sur le cadre temporel, nous ne savons pas non plus quand ce témoin a travaillé dans les capacités de conseil indépendant d’où l’accusation en l’espèce. Nous n’aurons pas eu de problèmes si le conseil n’avait pas déjà été impliqué dans cette affaire portant sur la Côte d’Ivoire et portant sur M. Gbagbo et M. Blé Goudé. L’accusation a admis, il y a deux semaines que le témoin aurait un conseil. Ce serait Me Raimondo. Mais ce n’est que vendredi après-midi à 16h45 qu’on nous a donné cette information. Désolé de présenter nos arguments si tardivement mais on ne peut faire autrement. Afin d’obtenir un procès équitable pour nos clients, nous devons soulever ce problème-là. Sachez que nous le faisons d’un cœur lourd mais c’est dans l’intérêt de tous et des témoins à venir. Parce que c’est quand même une question essentielle qui pourrait avoir un impact sur la représentation des témoins à venir. Merci et j’espère que Me Altit va se joindre à nous.
Juge-président : De toute façon je vais donner la parole aux autres parties. Et je donnerai aussi la parole au bureau du procureur. Me Altit, voulez répondre ?
Me Altit : Merci M. le président. Mesdames et messieurs de la Cour, je veux faire quelques remarques. Tout d’abord, nous nous associons bien entendu à la démarche, au déroulement de la défense de Charles Blé Goudé. Je voudrais dire quelques mots. Tout d’abord, c’est vrai. Alors que le conseil a été nommé le 15 février, il a fallu attendre vendredi soir pour que nous, la défense, nous apprenions qu’il avait déjà été actif dans cette affaire et qu’il avait dejà intervenu. Il y a deux aspects problématiques en mon sens. Premier problème, le conflit d’intérêt potentiel entre le précédent engagement de M. Raimondo auprès du bureau du procureur et son rôle de deux témoins. Deuxième affaire, beaucoup plus problématique. Le fait qu’il soit à la fois le conseil de P.10 et P.11, je viens au premier aspect. D’après l’e-mail reçu du bureau du procureur vendredi, M. Raimond a été engagé en décembre 2012 comme conseil indépendant par l’OTP. Il y a une contradiction ici. Soit il est engagé par l’OTP, soit il est conseil indépendant. Il me semble qu’il y a une contradiction qui doit être éclairci. Dans tous les cas, j’appuie naturellement ce qu’a dit mon confrère Knoops, il a pris connaissance du dossier. Ayant pris connaissance du dossier, il va nécessairement pouvoir conseiller en amont les témoins. Puisqu’il a pu prendre connaissance d’éléments incriminants aussi bien pour P.10 que pour P.11. Voyez le problème. Il y a là, quelque chose à éclaircir. Mais bien avant je voudrais en outre vous citer une disposition de l’article 12 du code de conduite professionnelle déconseille dans son premièrement petit "b". Je vous le lis. « Le conseil ne représente pas un témoin dans l’affaire si lui-même a été associé à l’affaire ou qu’il a eu accès, en qualité de membre du personnel de la cour, à des informations confidentielles concernant l’affaire dans laquelle il cherche à comparaitre ». Il est ensuite dit que la levée de cet empêchement peut toutefois, à la demande du conseil, être levée par la Cour si celle-ci estime qu’elle est justifiée dans l’intérêt de la justice. Mais en ce moment il y a un problème et outre l’information tardive de la défense, la question se pose du manque d’action du conseil des témoins qui auraient pu au moins nous informer ou informer votre chambre pour dire « voilà, tout va bien mais est-ce qu’il n’y a pas quelque chose que je fasse ? ». N’est-ce pas ? Puisqu’il lui appartenait quand même en amont afin d’éviter des retards à nous tous ici. Deuxièmement, M. le président, mesdames et messieurs, et là, le conflit d’intérêt me parait tout à fait constitué. Le conseil de P.11 qui va venir est aussi le conseil de P.10 qui viendra juste après. M. le président, mesdames et messieurs, si on posait une question, peu importe que ce soit par l’accusation ou par la défense, à P.11 qui sera là dans quelques minutes et que la réponse à cette question pourrait poser un problème, pourrait être dommageable pour P.10. Que va faire le conseil ? Il est censé protéger son témoin. Vous voyez ? C’est là le problème et c’est un vrai problème. Et si quelqu’un, défense ou accusation pose une question à P.11 et qui peut être dommageable à P.10, lui, qu’est-ce qu’il fait ? Il va le conseiller comment ? Il sera pris avec la meilleure volonté du monde. Il sera pris lui-même qui mettra en cause sa mission, c’est-à-dire qu’il sera obligé de faire un arbitrage. Et cet arbitrage par définition, se fera au détriment de l’un des deux témoins. Ce problème-là, on ne peut pas y échapper. Donc vous voyez qu’il y a un problème de fonds qui empêche de notre point de vue Raimondo à être le conseil à la fois de P.10 et P11. Ce n’est pas possible. Et il y a un second problème dont nous ne connaissons pas l’ampleur dont nous n’avons pas les éléments. Et à ce propos, nous nous associons à la défense de Charles Blé Goudé pour obtenir les dix-sept (17) éléments dont il est question. Nous ne les avons pas et nous n’avons pas leur numéro ERN. Et ces documents d’ailleurs devraient être déclassifier pour que l’on connaisse ses documents. Et quel que soit ces documents, de toutes manières, M. Raimond a du procédé à l’analyse du dossier pour savoir qu’ils devraient être confidentiels ou pas confidentiels. Et nous avons-là, une source supplémentaire de conflits d’intérêt. Deux couches de conflits d’intérêt si je peux le dire ainsi, c’est beaucoup trop M. le président. Il faut que votre chambre prenne une décision claire et rapide dans l’intérêt de tous ici, que les témoins puissent être entendus rapidement et bien conseillé. Parce que si jamais il advenait qu’un témoin comprenne qu’un conseil qui lui a été donné par l’avocat qui l’assiste ici était aussi commandé par les intérêts d’un autre témoin, il ne sera pas content et à juste titre. Pour éviter tous ces problèmes, il faut trancher dans le vif d’autant plus que nous n’avons plus beaucoup de temps et pas la peine d’y rester. Les choses sont claires il me semble. Dernier mot, si vous permettez. Nous nous associons à la demande des avocats de Blé Goudé concernant la levée de la classification ex-parte de requêtes dont il a fait mention dans les emails du procureur de manière à ce que nous sachions exactement de quoi il retourne et ce qu’il en est. Quelque soit votre réponse sur ce point, je crois que le conflit d’intérêt est constitué, il est doublement constitué.
Juge-président : Merci Me Altit, maintenant je donne la parole au bureau du procureur. M. Mac Donald.
Mac Donald : Merci M. le président. Nous n’avons aucune objection quant à la reclassification de l’écriture dont il est question depuis un moment. Soyons francs, honnêtes et transparents. Nous n’avons rien à cacher et Me Altit verra que son nom apparait sur la liste. C’est quand les autorités ivoiriennes ont confisqué le portable d’une personne appelée P.0069, nous avons eu accès à ce qui était dans ce portable. Nous avons la technologie nécessaire pour le faire. On avait accès à des milliers de fichiers. La défense était au courant. Elle sait ce qui était sur ce portable du témoin P.0069. Il n’y a rien de nouveau ici. Je pense que c’est une manœuvre dilatoire et rien d’autre. Pour nous assurer qu’il n’y avait pas d’informations privilégiées, nous avons rédigé une liste de conseils qui travaillaient sur l’affaire à l’époque d’après ce que nous savions en tout cas. (…)
ROCES GBAGB ET BLE GOUDE VIDEO 2
Juge président : Voici la décision orale rendue par la chambre, suite à la requête orale présentée un peu plus tôt par les deux équipes de la défense. A savoir l’équipe de défense de M. Blé Goudé et l’équipe de défense de M. Gbagbo, à savoir que M. Fabien Raimondo qui avait été nommé en tant que conseil pour les témoins P11 et P10, en application de la règle 74, soit disqualifié de son rôle et de sa nomination du fait qu’il ait été conseil pour le bureau du procureur en décembre 2012, et du fait qu’il a pu prendre connaissance des documents qui étaient potentiellement confidentiels et qui étaient pertinents pour un autre témoin en l’espèce. La chambre, après avoir pris connaissance du courriel de l’accusation envoyé vendredi 03 mars 2017 à 15h01, et après avoir entendu les arguments oraux présentés par les parties, un peu plus tôt aujourd’hui, a le point de vue suivant. Il n’y a pas de problème spécifique concret de conflit d’intérêt qui peut être détecté pour le moment. Mais, le fait est que M. Raimondo a fait partie de l’affaire et ce, sur demande du procureur, et de ce fait, cela aurait dû avoir comme conclusion une extrême circonspection de la part du procureur. Et ce, du fait qu’il est absolument essentiel de ne pas faire en sorte qu’il y ait des perceptions négatives au sujet de l’intégrité de la procédure, même si ces perceptions sont tenues ou d’origine spéculative, la chambre est convaincue que l’existence, le fait que le conseil avait été affecté, au nom du procureur, en tant que conseil, auquel il faut ajouter la communication extrêmement tardive de ceci, la chambre indique que cela peut effectivement soulever des préoccupations par rapport à l’apparence de l’intégrité de la procédure. De ce fait, point n’est besoin que la chambre ne s’intéresse à la teneur de l’affectation précédente de M. Raimondo de sa participation.
Les règles sont extrêmement strictes, et ces règles sont des règles en matière de conflit d’intérêt dont le but est justement d’empêcher que des préoccupations relatives à l’intégrité de la procédure puissent être soulevées, même s’il ne s’agit d’une question d’apparence.
Il faut savoir que pour assurer une transparence optimale, par rapport à ce qui a été dit par le procureur, la chambre considère qu’il est approprié de faire droit à la requête présentée par la défense de M. Gbagbo au sujet des documents pertinents qui devront être reclassifiés comme documents confidentiels. La chambre rejette également que M. Raimondo n’ait pas informé rapidement le Greffe et la chambre de sa participation précédente au bureau du procureur, qu’il ne les a pas alertés au sujet de cette possibilité qui aurait pu être soulevée. Ce faisant, il se peut qu’il soit responsable d’une violation de devoir incombant au conseil, en application du code de conduite professionnel pour les conseils devant cette cour. Pour les raisons indiquées ci-dessus, la chambre décide que la nomination de M. Fabien Raimondo en tant que conseil au titre de la règle 74, pour les témoins P10 et P11, soit révoqué et ce, à partir de maintenant. Exhorte ou ordonne le Greffe de nommer immédiatement un nouveau conseil francophone pour le témoin P11, en application de la règle 74. Et lorsque je dis immédiatement, j’entends maintenant ; et ordonne le Greffe de nommer un nouveau conseil différent, en application de la règle 74, pour le témoin P10. Décide que le début de la déposition du témoin P11 est reporté au mercredi 8 mars 2017 à 14h30, et ce, afin de permettre aux nouveaux conseils de se familiariser avec la procédure et le procès. J’aimerais également ajouter à ce sujet, que mercredi après-midi, nous n’aurons qu’une heure, de 14h30 à 15h30. En conséquence, nous utiliserons cette heure pour toutes les questions préliminaires et pour toutes les décisions qui devront être rendues au sujet de l’application de la norme 35. Ce qui fait que mercredi matin, nous commencerons en donnant la parole au bureau du procureur.
Et je me permets également d’ajouter que la chambre exhorte vivement le procureur à essayer de terminer son interrogatoire principal vendredi. Alors certes, nous pourrons aller jusqu’à lundi, mais je vous indique ce qu’il en est au sujet du programme ; parce qu’il faut quand même que la défense ait le temps suffisant la semaine prochaine.
La chambre ordonne que les documents suivants soient reclassifiés en tant que documents confidentiels. Il s’agit des documents ICC-02/11-01/11-372 confidentiels essartés, ainsi que les annexes de ces documents ; ainsi que le document 378 confidentiel, essarté. Ordonne aux parties de présenter leurs réponses aux requêtes du procureur au sujet de la norme 35 par écrit, et ce, au plus tard demain à midi. Ceci met un terme à la décision orale rendue par la chambre. L’audience est maintenant levée et reprendra le mercredi 8 mars 2017 à 14h30. Je vous remercie tous.
Juge président : Bonjour à tous. Bonjour Me Raimondo. Je crois que c’est votre première fois au prétoire. Avant de donner la parole à la défense de M. Blé Goudé, qui nous a signalé qu’elle souhaitait prendre la parole, j’ai un point urgent à traiter. C’est une question qui porte sur le témoin à venir. Il s’agit de deux écritures. Demande de prorogation de délai, en application de la règle 35 déposée le 24 février de cette année ainsi que le 03 mars. Alors en ce qui concerne la première demande du 24 février, nous avons reçu les écritures de la défense de M. Gbagbo. Mais nous n’avons pas encore reçu quoi que ce soit de la défense de M. Blé Goudé. Et puis, il nous manque les réponses des équipes de la défense à la deuxième requête déposée le 03 mars. C’est urgent ! J’aimerais que d’ici la fin de cette journée, que la Chambre ait reçu des réponses. Disons qu’à 15h45 on arrêtera l’interrogatoire, pour entendre vos arguments sur ces deux écritures, au point d’obtenir une prorogation du délai en application de la règle 35. Demande faite par le bureau du procureur. Et vous M. Mc Donald, qu’avez-vous à dire ?
Mac Donald : Bonjour à tous. Je tiens juste à dire que nous avons l’intention d’envoyer la décision prise, dans l’affaire N’taganda, portant sur le traitement de ce type de demande, et l’approche adoptée par la Chambre N’taganda dans cette affaire. Je devrais avoir ce document dans les minutes qui viennent. Je le joindrais aux écritures par le biais d’un courriel. Je souhaite, par oral, modifier un tout petit peu mes arguments, pour rien que ces décisions. J’aimerais bien que mes contradicteurs sachent que cette décision sera jointe à notre requête.
Juge Président : Merci. Nous en prenons bonne note. Je demande aux équipes de la défense de présenter, par oral, leurs réponses à ces deux demandes ; parce qu’au plus tard il faut que nous prenions une décision demain. Pour que la décision ait un sens. Je donne maintenant la parole à Me Knoops. En effet, il souhaite nous parler de quelque chose. Mais je ne sais pas de quoi.
Me Knoops: En effet, nous aimerions vous parler rapidement des questions dont nous avons appris l’existence, vendredi après-midi à 16h45, portant sur la position du soit disant conseil du témoin qui doit venir. Et nous souhaitons que Me Raimondo ne soit pas en prétoire, afin que nous puissions présenter nos arguments. En effet, s’il entend nos arguments, cela pourrait modifier sa position. Et cela pourrait modifier les questions que nous avons à propos de sa position justement. Donc la première requête que la défense de M. Blé Goudé fait auprès de la chambre, c’est une demande aux fins que Me Raimondo soit écarté de la discussion. Peut-être plus tard pourra-t-il revenir et entendre ce qui est dit. Mais pour l’instant, nous considérons que nous devons parler à la chambre de la façon dont nous souhaitons traiter ce témoin et son soit disant conseil hors de la présence de la chambre.
Juge président : Ecoutez, je ne sais pas où vous voulez en venir. Me Raimondo, je ne voudrais pas être impoli envers vous. Je ne voudrais pas avoir à vous demander de quitter le prétoire. Mais, cela dit, il faut que je le fasse. Donc, s’il vous plaît, je suis désolé, il faut quitter le prétoire ! Nous verrons ensuite comment les choses tournent.
Me Knoops : Ecoutez, ce n’est pas une question de politesse. Je ne pense pas que Me Raimondo le perçoive ainsi. C’est normal. C’est ainsi que cette procédure doit se dérouler.
Vous savez sans doute que vendredi après-midi, à 16h45, les juges de la chambre, ainsi que les équipes de la défense, ont reçu un e-mail officiel de l’accusation déclarant que le conseil attribué au témoin P11 Me Fabien Raimondo avait été engagé en 2012 pour servir de conseil indépendant auprès du bureau du procureur en l’affaire qui nous intéresse ici. Donc, ce n’était pas un conseil du bureau du procureur. C’est bien pire que ça. Il était conseil en l’affaire Gbagbo et Blé Goudé pour l’accusation. Et, pour que l’argument soit encore plus pertinent, sachez que ce conseil qui doit assister P11 pourrait aussi assister P10. Or P10 et P11, je ne vais pas utiliser les mots de Me Altit pour dire que ce sont des témoins importants pour la thèse de l’accusation. Moi, je dirais que ce sont des témoins pertinents. Je sais que le mot important a de nombreuses acceptions. Donc, c’est pour ça que je ne l’emploie pas. Mais ce sont quand même deux témoins assez pertinents en ce qui concerne la thèse de l’accusation, et malgré les explications de l’accusation développées dans son courriel selon lesquelles les faits de l’affaire n’ont jamais été abordés avec Me Raimondo, même dans le cadre de l’exécution du mandat qui lui a été donné. Il y a quand même, à notre avis, un conflit d’intérêt, en tout cas potentiel. Etant la pertinence de P11 et P10, pour la thèse de l’accusation, même le semblant d’un conflit d’intérêt devrait être écarté. Comme l’a dit l’accusation dans son courriel, on ne sait pas exactement quelle a été la durée du mandat de Me Raimondo. Ça commencé en décembre 2012, mais on ne sait pas quand est-ce que ça s’est arrêté. Il s’emblait qu’il avait été engagé pour vérifier des éléments qui pourraient être privilégiés qui étaient sur un portable confisqué par l’accusation auprès du témoin P69 qui d’ailleurs a été retiré de la liste des témoins entre temps. Mais la chambre préliminaire 1, en janvier 2013, a rendu une décision basée sur l’évaluation faite par Me Raimondo, qui a considéré que ce sont des documents dits être censés confidentiels.
La chambre a rejeté ce conseil et a considéré finalement que ces documents n’étaient pas confidentiels. Pour être bref, Me Raimondo a dû savoir si les documents étaient pertinents ou pas. Il a bien sûr dû quand même entrer dans les faits de l’espèce. Au moins certains. Sinon il n’aurait jamais pu être en mesure de faire une évaluation quelconque. Surtout une évaluation intelligente à propos de la nature éventuellement confidentielle des documents confisqués sur le portable du témoin P69. Certes, l’accusation n’a peut-être pas ouvertement discuté du fond de l’affaire avec Me Raimondo. Il n’empêche, il a joué un rôle très important auprès de l’équipe de l’accusation. Il leur a conseillé certaines choses à propos de certains documents éventuellement pertinents. De ce fait, ni l’accusation ni la chambre ni même la défense ne peut exclure la possibilité que ce conseil pourrait avoir une idée biaisée dès le départ, que les conseils qu’il va donner, concernant la règle 74, pourraient très bien influencer le témoin. Lorsque le témoin lui demandera quelque chose sur ce point. Psychologiquement, rien qu’en donnant des conseils au témoin, ce conseil pourrait très bien l’influencer ; parce que même dans son subconscient il a quand même appris certaines choses, lorsqu’il travaillait en tant que conseil indépendant pour le bureau du procureur. De plus, ce témoin, dit Me Knoops, sera aussi le conseil de P10, après avoir été celui de P11. Nous demandons donc à la chambre, tout d’abord, de se pencher sur l’éventuelle possibilité d’un conflit d’intérêt, ou au moins du semblant d’un conflit d’intérêt. Parce c’est quand même une règle de base du droit. Quand il y a conflit d’intérêt, il faut se retirer. Surtout pour ce type de témoin. Car, cela pourrait avoir un impact sur l’équité de cette procédure et sur la mission de la chambre qui est de rechercher la vérité. Nous considérons donc qu’on ne peut pas prendre au pied de la lettre les assertions de l’accusation comme quoi il n’y a pas besoin de considérer que ce témoin serait en conflit d’intérêt lorsqu’il représenterait P11 ou P10.
Dans la règle 74, on a beaucoup débattu de ça ici. Vous avez bien vu que le rôle du conseil ne peut pas être sous estimé. On a eu de nombreux témoins ici qui étaient assistés par un conseil, en application de la règle 74. On a bien vu ce qui se passait. Donc il faudrait bien être sûr qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt lorsque le conseil assiste les témoins. Surtout en ce qui concerne les témoins P10 et P11. On a eu de nombreux témoins ici qui étaient assisté par un conseil en application de la règle 74 et on a bien vu ce qui se passait. Donc il faut bien être sûr qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt lorsque les conseils assistent les témoins en ce qui concernent les témoins P.10 et P.11. Ensuite, nous n’avons pas eu accès aux documents qui motive la décision de la chambre préliminaire pourtant sur l’évaluation des 17 documents identifiés par ce conseil au départ comme étant confidentiels, potentiellement. Nous n’aurons pas d’informations non plus sur le cadre temporel, nous ne savons pas non plus quand ce témoin a travaillé dans les capacités de conseil indépendant d’où l’accusation en l’espèce. Nous n’aurons pas eu de problèmes si le conseil n’avait pas déjà été impliqué dans cette affaire portant sur la Côte d’Ivoire et portant sur M. Gbagbo et M. Blé Goudé. L’accusation a admis, il y a deux semaines que le témoin aurait un conseil. Ce serait Me Raimondo. Mais ce n’est que vendredi après-midi à 16h45 qu’on nous a donné cette information. Désolé de présenter nos arguments si tardivement mais on ne peut faire autrement. Afin d’obtenir un procès équitable pour nos clients, nous devons soulever ce problème-là. Sachez que nous le faisons d’un cœur lourd mais c’est dans l’intérêt de tous et des témoins à venir. Parce que c’est quand même une question essentielle qui pourrait avoir un impact sur la représentation des témoins à venir. Merci et j’espère que Me Altit va se joindre à nous.
Juge-président : De toute façon je vais donner la parole aux autres parties. Et je donnerai aussi la parole au bureau du procureur. Me Altit, voulez répondre ?
Me Altit : Merci M. le président. Mesdames et messieurs de la Cour, je veux faire quelques remarques. Tout d’abord, nous nous associons bien entendu à la démarche, au déroulement de la défense de Charles Blé Goudé. Je voudrais dire quelques mots. Tout d’abord, c’est vrai. Alors que le conseil a été nommé le 15 février, il a fallu attendre vendredi soir pour que nous, la défense, nous apprenions qu’il avait déjà été actif dans cette affaire et qu’il avait dejà intervenu. Il y a deux aspects problématiques en mon sens. Premier problème, le conflit d’intérêt potentiel entre le précédent engagement de M. Raimondo auprès du bureau du procureur et son rôle de deux témoins. Deuxième affaire, beaucoup plus problématique. Le fait qu’il soit à la fois le conseil de P.10 et P.11, je viens au premier aspect. D’après l’e-mail reçu du bureau du procureur vendredi, M. Raimond a été engagé en décembre 2012 comme conseil indépendant par l’OTP. Il y a une contradiction ici. Soit il est engagé par l’OTP, soit il est conseil indépendant. Il me semble qu’il y a une contradiction qui doit être éclairci. Dans tous les cas, j’appuie naturellement ce qu’a dit mon confrère Knoops, il a pris connaissance du dossier. Ayant pris connaissance du dossier, il va nécessairement pouvoir conseiller en amont les témoins. Puisqu’il a pu prendre connaissance d’éléments incriminants aussi bien pour P.10 que pour P.11. Voyez le problème. Il y a là, quelque chose à éclaircir. Mais bien avant je voudrais en outre vous citer une disposition de l’article 12 du code de conduite professionnelle déconseille dans son premièrement petit "b". Je vous le lis. « Le conseil ne représente pas un témoin dans l’affaire si lui-même a été associé à l’affaire ou qu’il a eu accès, en qualité de membre du personnel de la cour, à des informations confidentielles concernant l’affaire dans laquelle il cherche à comparaitre ». Il est ensuite dit que la levée de cet empêchement peut toutefois, à la demande du conseil, être levée par la Cour si celle-ci estime qu’elle est justifiée dans l’intérêt de la justice. Mais en ce moment il y a un problème et outre l’information tardive de la défense, la question se pose du manque d’action du conseil des témoins qui auraient pu au moins nous informer ou informer votre chambre pour dire « voilà, tout va bien mais est-ce qu’il n’y a pas quelque chose que je fasse ? ». N’est-ce pas ? Puisqu’il lui appartenait quand même en amont afin d’éviter des retards à nous tous ici. Deuxièmement, M. le président, mesdames et messieurs, et là, le conflit d’intérêt me parait tout à fait constitué. Le conseil de P.11 qui va venir est aussi le conseil de P.10 qui viendra juste après. M. le président, mesdames et messieurs, si on posait une question, peu importe que ce soit par l’accusation ou par la défense, à P.11 qui sera là dans quelques minutes et que la réponse à cette question pourrait poser un problème, pourrait être dommageable pour P.10. Que va faire le conseil ? Il est censé protéger son témoin. Vous voyez ? C’est là le problème et c’est un vrai problème. Et si quelqu’un, défense ou accusation pose une question à P.11 et qui peut être dommageable à P.10, lui, qu’est-ce qu’il fait ? Il va le conseiller comment ? Il sera pris avec la meilleure volonté du monde. Il sera pris lui-même qui mettra en cause sa mission, c’est-à-dire qu’il sera obligé de faire un arbitrage. Et cet arbitrage par définition, se fera au détriment de l’un des deux témoins. Ce problème-là, on ne peut pas y échapper. Donc vous voyez qu’il y a un problème de fonds qui empêche de notre point de vue Raimondo à être le conseil à la fois de P.10 et P11. Ce n’est pas possible. Et il y a un second problème dont nous ne connaissons pas l’ampleur dont nous n’avons pas les éléments. Et à ce propos, nous nous associons à la défense de Charles Blé Goudé pour obtenir les dix-sept (17) éléments dont il est question. Nous ne les avons pas et nous n’avons pas leur numéro ERN. Et ces documents d’ailleurs devraient être déclassifier pour que l’on connaisse ses documents. Et quel que soit ces documents, de toutes manières, M. Raimond a du procédé à l’analyse du dossier pour savoir qu’ils devraient être confidentiels ou pas confidentiels. Et nous avons-là, une source supplémentaire de conflits d’intérêt. Deux couches de conflits d’intérêt si je peux le dire ainsi, c’est beaucoup trop M. le président. Il faut que votre chambre prenne une décision claire et rapide dans l’intérêt de tous ici, que les témoins puissent être entendus rapidement et bien conseillé. Parce que si jamais il advenait qu’un témoin comprenne qu’un conseil qui lui a été donné par l’avocat qui l’assiste ici était aussi commandé par les intérêts d’un autre témoin, il ne sera pas content et à juste titre. Pour éviter tous ces problèmes, il faut trancher dans le vif d’autant plus que nous n’avons plus beaucoup de temps et pas la peine d’y rester. Les choses sont claires il me semble. Dernier mot, si vous permettez. Nous nous associons à la demande des avocats de Blé Goudé concernant la levée de la classification ex-parte de requêtes dont il a fait mention dans les emails du procureur de manière à ce que nous sachions exactement de quoi il retourne et ce qu’il en est. Quelque soit votre réponse sur ce point, je crois que le conflit d’intérêt est constitué, il est doublement constitué.
Juge-président : Merci Me Altit, maintenant je donne la parole au bureau du procureur. M. Mac Donald.
Mac Donald : Merci M. le président. Nous n’avons aucune objection quant à la reclassification de l’écriture dont il est question depuis un moment. Soyons francs, honnêtes et transparents. Nous n’avons rien à cacher et Me Altit verra que son nom apparait sur la liste. C’est quand les autorités ivoiriennes ont confisqué le portable d’une personne appelée P.0069, nous avons eu accès à ce qui était dans ce portable. Nous avons la technologie nécessaire pour le faire. On avait accès à des milliers de fichiers. La défense était au courant. Elle sait ce qui était sur ce portable du témoin P.0069. Il n’y a rien de nouveau ici. Je pense que c’est une manœuvre dilatoire et rien d’autre. Pour nous assurer qu’il n’y avait pas d’informations privilégiées, nous avons rédigé une liste de conseils qui travaillaient sur l’affaire à l’époque d’après ce que nous savions en tout cas. (…)
ROCES GBAGB ET BLE GOUDE VIDEO 2
Juge président : Voici la décision orale rendue par la chambre, suite à la requête orale présentée un peu plus tôt par les deux équipes de la défense. A savoir l’équipe de défense de M. Blé Goudé et l’équipe de défense de M. Gbagbo, à savoir que M. Fabien Raimondo qui avait été nommé en tant que conseil pour les témoins P11 et P10, en application de la règle 74, soit disqualifié de son rôle et de sa nomination du fait qu’il ait été conseil pour le bureau du procureur en décembre 2012, et du fait qu’il a pu prendre connaissance des documents qui étaient potentiellement confidentiels et qui étaient pertinents pour un autre témoin en l’espèce. La chambre, après avoir pris connaissance du courriel de l’accusation envoyé vendredi 03 mars 2017 à 15h01, et après avoir entendu les arguments oraux présentés par les parties, un peu plus tôt aujourd’hui, a le point de vue suivant. Il n’y a pas de problème spécifique concret de conflit d’intérêt qui peut être détecté pour le moment. Mais, le fait est que M. Raimondo a fait partie de l’affaire et ce, sur demande du procureur, et de ce fait, cela aurait dû avoir comme conclusion une extrême circonspection de la part du procureur. Et ce, du fait qu’il est absolument essentiel de ne pas faire en sorte qu’il y ait des perceptions négatives au sujet de l’intégrité de la procédure, même si ces perceptions sont tenues ou d’origine spéculative, la chambre est convaincue que l’existence, le fait que le conseil avait été affecté, au nom du procureur, en tant que conseil, auquel il faut ajouter la communication extrêmement tardive de ceci, la chambre indique que cela peut effectivement soulever des préoccupations par rapport à l’apparence de l’intégrité de la procédure. De ce fait, point n’est besoin que la chambre ne s’intéresse à la teneur de l’affectation précédente de M. Raimondo de sa participation.
Les règles sont extrêmement strictes, et ces règles sont des règles en matière de conflit d’intérêt dont le but est justement d’empêcher que des préoccupations relatives à l’intégrité de la procédure puissent être soulevées, même s’il ne s’agit d’une question d’apparence.
Il faut savoir que pour assurer une transparence optimale, par rapport à ce qui a été dit par le procureur, la chambre considère qu’il est approprié de faire droit à la requête présentée par la défense de M. Gbagbo au sujet des documents pertinents qui devront être reclassifiés comme documents confidentiels. La chambre rejette également que M. Raimondo n’ait pas informé rapidement le Greffe et la chambre de sa participation précédente au bureau du procureur, qu’il ne les a pas alertés au sujet de cette possibilité qui aurait pu être soulevée. Ce faisant, il se peut qu’il soit responsable d’une violation de devoir incombant au conseil, en application du code de conduite professionnel pour les conseils devant cette cour. Pour les raisons indiquées ci-dessus, la chambre décide que la nomination de M. Fabien Raimondo en tant que conseil au titre de la règle 74, pour les témoins P10 et P11, soit révoqué et ce, à partir de maintenant. Exhorte ou ordonne le Greffe de nommer immédiatement un nouveau conseil francophone pour le témoin P11, en application de la règle 74. Et lorsque je dis immédiatement, j’entends maintenant ; et ordonne le Greffe de nommer un nouveau conseil différent, en application de la règle 74, pour le témoin P10. Décide que le début de la déposition du témoin P11 est reporté au mercredi 8 mars 2017 à 14h30, et ce, afin de permettre aux nouveaux conseils de se familiariser avec la procédure et le procès. J’aimerais également ajouter à ce sujet, que mercredi après-midi, nous n’aurons qu’une heure, de 14h30 à 15h30. En conséquence, nous utiliserons cette heure pour toutes les questions préliminaires et pour toutes les décisions qui devront être rendues au sujet de l’application de la norme 35. Ce qui fait que mercredi matin, nous commencerons en donnant la parole au bureau du procureur.
Et je me permets également d’ajouter que la chambre exhorte vivement le procureur à essayer de terminer son interrogatoire principal vendredi. Alors certes, nous pourrons aller jusqu’à lundi, mais je vous indique ce qu’il en est au sujet du programme ; parce qu’il faut quand même que la défense ait le temps suffisant la semaine prochaine.
La chambre ordonne que les documents suivants soient reclassifiés en tant que documents confidentiels. Il s’agit des documents ICC-02/11-01/11-372 confidentiels essartés, ainsi que les annexes de ces documents ; ainsi que le document 378 confidentiel, essarté. Ordonne aux parties de présenter leurs réponses aux requêtes du procureur au sujet de la norme 35 par écrit, et ce, au plus tard demain à midi. Ceci met un terme à la décision orale rendue par la chambre. L’audience est maintenant levée et reprendra le mercredi 8 mars 2017 à 14h30. Je vous remercie tous.