Assan Diop : Il sera question entre autres de la constitution de la 3è République adoptée par référendum le dimanche 30 octobre dernier. Promesse tenue d’Alassane Ouattara qui a doté la Côte d’Ivoire approuvée par plus de 90% des électeurs. Le chef de l’Etat se félicite du plébiscite, mais le taux de participation est moins glorieux, 42% seulement de votants. Soit 14 points de moins que lors du référendum de l’adoption de la constitution d’août 2000.
Pierre Benoit : Assan, il y a deux problèmes. Le premier est le faible taux. Même le taux de participation de 42%, beaucoup d’Ivoiriens estiment qu’il est en-dessous du taux réel. Il y a peu d’Ivoiriens qui me contrediront sur ce point. Le second problème est le projet politique. Cette 3è constitution était le temps fort du mandat d’Alassane Ouattara et visait la modernisation du pays. Eh bien, il y a une scorie institutionnelle quand même qui pose problème. En effet, elle va s’appliquer pour la question du vice-président en cours de route. Il y a donc une désignation du vice-président. Ce dernier ne sera pas élu, car le seul élu est le président et sans vice-président.
Assan Diop : Marie-Roger, cette constitution, d’après ses promoteurs, devait promouvoir la réconciliation, après cette terrible crise postélectorale qui avait opposé Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Mais il est tout de même difficile de s’en convaincre, dans la mesure où moins de la moitié des 6.000.000 d’électeurs sont allés voter. Et puis l’opposition n’a pas eu droit au chapitre, lors de l’examen de l’avant-projet de cette constitution à l’Assemblée nationale, puisque cette opposition n’y est pas représentée. Il n’y a qu’une partie de la classe politique et une partie des Ivoiriens qui ont approuvé ce texte.
Marie-Roger Biloa : Oui, c’est sûr, il y a eu un manque de pédagogie sur cette constitution et c’est dommage. Lorsqu’on regarde les discours que faisait le chef de l’Etat lui-même, en soutenant avec beaucoup d’emphase que c’était pour la paix pour des siècles et des siècles. Mais, on ne nous a jamais expliqué en quoi la paix était garantie. Cette constitution ne peut garantir la paix. Il est vrai que l’ivoirité qui a été la pomme de discorde n’y figure plus, mais il y a des dispositions qui ont fait débat, par exemple la vice-présidence et la limite d’âge qui a sauté. Ce point à lui seul est une tornade. Cela fait dire à certaines personnes qu’Alassane Ouattara pourrait se représenter, puisque le compteur est à zéro.
Assan Diop : D’ailleurs comme l’ont fait certains chefs d’Etat.
Marie-Roger Biloa : Il avait annoncé avant l’élection présidentielle qu’il le ferait, mais tout ça a été fait aux pas de course. Ça aurait été plus intéressant, si cela avait fait l’objet de discussion avec tout le monde.
Assan Diop : N’oublions pas qu’une partie des sénateurs sera nommée par le chef de l’Etat lui-même. Les détracteurs de cette constitution la qualifient de règlement intérieur du RDR et du PDCI. C’est-à-dire les deux partis régnants. Le RDR est le parti d’Alassane Ouattara et le PDCI, celui d’Henri Konan Bédié qui avait mis en œuvre l’ivoirité, on s’en souvient et qui doit manger son chapeau aujourd’hui. Une autre chose est qu’aucun parti n’a finalement droit au chapitre dans cette affaire de nouvelle constitution.
Francis Laloupo : Cette précipitation à vouloir organiser un référendum était quand même étrange, car il n’y avait pas urgence, à moins qu’on nous explique l’urgence à faire voter un texte, trois semaines après son adoption par l’Assemblée nationale. Il aurait fallu faire une campagne pédagogique, beaucoup plus vaste, prendre le temps qu’il fallait, parce que c’est quand même la loi fondamentale d’un pays. Et c’est ce qui a amené l’opposition à soutenir que le gouvernement a des arrière-pensées et est dans un calcul politicien etc. La stratégie de l’opposition a été tout aussi illisible. On se demandait à quoi servait ce Front du refus ? A-t-il été constitué pour contester un texte ? Dans ce cas, il aurait fallu que l’opposition s’engage dans une campagne de pédagogie pour expliquer aux populations pourquoi elle contestait ce texte. Et justement quels articles de ce projet, elle contestait. On a eu l’impression que c’était une occasion de plus pour l’opposition non de contester la constitution en tant que tel, mais de contester le régime Ouattara. Alors c’est devenu une affaire d’appareil politique finalement où on se précipite à organiser un référendum on ne sait pas pourquoi, et l’autre côté l’opposition qui conteste avec une stratégie classique de contestation de pouvoir que d’un texte constitutionnel.
Source : Le Quotidien d’Abidjan
Pierre Benoit : Assan, il y a deux problèmes. Le premier est le faible taux. Même le taux de participation de 42%, beaucoup d’Ivoiriens estiment qu’il est en-dessous du taux réel. Il y a peu d’Ivoiriens qui me contrediront sur ce point. Le second problème est le projet politique. Cette 3è constitution était le temps fort du mandat d’Alassane Ouattara et visait la modernisation du pays. Eh bien, il y a une scorie institutionnelle quand même qui pose problème. En effet, elle va s’appliquer pour la question du vice-président en cours de route. Il y a donc une désignation du vice-président. Ce dernier ne sera pas élu, car le seul élu est le président et sans vice-président.
Assan Diop : Marie-Roger, cette constitution, d’après ses promoteurs, devait promouvoir la réconciliation, après cette terrible crise postélectorale qui avait opposé Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Mais il est tout de même difficile de s’en convaincre, dans la mesure où moins de la moitié des 6.000.000 d’électeurs sont allés voter. Et puis l’opposition n’a pas eu droit au chapitre, lors de l’examen de l’avant-projet de cette constitution à l’Assemblée nationale, puisque cette opposition n’y est pas représentée. Il n’y a qu’une partie de la classe politique et une partie des Ivoiriens qui ont approuvé ce texte.
Marie-Roger Biloa : Oui, c’est sûr, il y a eu un manque de pédagogie sur cette constitution et c’est dommage. Lorsqu’on regarde les discours que faisait le chef de l’Etat lui-même, en soutenant avec beaucoup d’emphase que c’était pour la paix pour des siècles et des siècles. Mais, on ne nous a jamais expliqué en quoi la paix était garantie. Cette constitution ne peut garantir la paix. Il est vrai que l’ivoirité qui a été la pomme de discorde n’y figure plus, mais il y a des dispositions qui ont fait débat, par exemple la vice-présidence et la limite d’âge qui a sauté. Ce point à lui seul est une tornade. Cela fait dire à certaines personnes qu’Alassane Ouattara pourrait se représenter, puisque le compteur est à zéro.
Assan Diop : D’ailleurs comme l’ont fait certains chefs d’Etat.
Marie-Roger Biloa : Il avait annoncé avant l’élection présidentielle qu’il le ferait, mais tout ça a été fait aux pas de course. Ça aurait été plus intéressant, si cela avait fait l’objet de discussion avec tout le monde.
Assan Diop : N’oublions pas qu’une partie des sénateurs sera nommée par le chef de l’Etat lui-même. Les détracteurs de cette constitution la qualifient de règlement intérieur du RDR et du PDCI. C’est-à-dire les deux partis régnants. Le RDR est le parti d’Alassane Ouattara et le PDCI, celui d’Henri Konan Bédié qui avait mis en œuvre l’ivoirité, on s’en souvient et qui doit manger son chapeau aujourd’hui. Une autre chose est qu’aucun parti n’a finalement droit au chapitre dans cette affaire de nouvelle constitution.
Francis Laloupo : Cette précipitation à vouloir organiser un référendum était quand même étrange, car il n’y avait pas urgence, à moins qu’on nous explique l’urgence à faire voter un texte, trois semaines après son adoption par l’Assemblée nationale. Il aurait fallu faire une campagne pédagogique, beaucoup plus vaste, prendre le temps qu’il fallait, parce que c’est quand même la loi fondamentale d’un pays. Et c’est ce qui a amené l’opposition à soutenir que le gouvernement a des arrière-pensées et est dans un calcul politicien etc. La stratégie de l’opposition a été tout aussi illisible. On se demandait à quoi servait ce Front du refus ? A-t-il été constitué pour contester un texte ? Dans ce cas, il aurait fallu que l’opposition s’engage dans une campagne de pédagogie pour expliquer aux populations pourquoi elle contestait ce texte. Et justement quels articles de ce projet, elle contestait. On a eu l’impression que c’était une occasion de plus pour l’opposition non de contester la constitution en tant que tel, mais de contester le régime Ouattara. Alors c’est devenu une affaire d’appareil politique finalement où on se précipite à organiser un référendum on ne sait pas pourquoi, et l’autre côté l’opposition qui conteste avec une stratégie classique de contestation de pouvoir que d’un texte constitutionnel.
Source : Le Quotidien d’Abidjan